« La grenade  » Pierre Moustiers

Le roman commence par une citation de Jean Giono « Mais, c’est que la réalité poussée à l’extrême rejoint précisément l’irréalité. Aller droit aux choses c’est accepter leur magie. »

Les premières lignes : « Maurice Théaud naquit le 12 avril 1964 à l’age de trente neuf ans. Il s’était contenté jusqu’à ce jour de vivre à l’étouffée, comme un œuf. Intimidé par ses longues cuisses et le volume de son nez, il éprouvait d’énormes difficultés à regarder quelqu’un en face, ce qui lui valait auprès de ses confrères visiteurs médicaux la réputation de taupe ou de demeuré. » … Ah oui , notre héros est un raté hébété par une cascade de mésaventures et d’échecs ininterrompue de l’aube au crépuscule  qui réussit du jour au lendemain tout ce qu’il entreprend mais le plus étonnant est que cette métamorphose nous concerne tous !

voici quelques extraits:

« La matière inerte n’existe que dans notre tête. Elle s’appelle la routine.« 

«  Depuis l’école maternelle sa maladresse passait pour exemplaire dans la famille et dans les environs. On citait ses mésaventures chaque fois qu’il s’agissait d’animer un repas et de faire rire un invité taciturne. Un jour, il avait réussi en un tournemain à renverser quatre récipients à la fois.« 

 » Il lui arrivait parfois de suivre une passante dans la rue, attentif aux secousses de la chair sous la robe, et ce spectacle fugitif lui donnait un plaisir d’homme. Sinon, l’emploi du temps du lycée absorbait son existence rythmée par les interrogations écrites et les compositions trimestrielles. Aucune étude ne le passionnait. Aucune ne le rebutait non plus.« 

« Une maladresse aussi constante, aussi infaillible dans le détail le laissait rêveur: on dirait que je le fait exprès… ou bien ma personne attire les catastrophes. »

« … regarde le stylo que je viens de m’offrir! Il faut bien penser à soi quand les autres nous ignorent. « 

«  C’était lui qui avait parler le premier de mariage , mais , là encore,
il s’agit d’un malentendu. Il avait prononcé le mot fatidique pour rire, obéissant à une sorte d’irréflexion sonore ou de lapsus. malheureusement, sa plaisanterie avait été prise au sérieux: « je veux bien, avait-elle répliqué sans émotion. Papa sera furieux, mais tant pis ! » Autoritaire de nature et favorablement impressionnée par la timidité de ce grand dadais, Aline avait pensé qu’il serait aisé de le modeler et d’en faire un homme normal. Elle mesurait à présent la vanité de ses illusions. Maurice devenait chaque jour moins ordinaire et plus irritant, insaisissable comme ces méduses qui prennent la conscience de l’eau aussitôt qu’on les touche.« 

« Il ne s’étonna pas de la facilité avec laquelle les mots venait, ni de cette faculté inédite d’élocution qui l’empêchait de buter sur les consonnes, ni de l’intérêt qu’il prenait à son propre discours, accaparé comme il l’était par cette découverte insolite: le plaisir d’être écouté. »

« Vous êtes bourré d’influx, chargé d’électrons: un radar sur pile atomique, mon cher ! Pardonnez-moi ! Je reconnais que la comparaison manque de poésie. En fait, l’image qui me vient à l’esprit est celle d’un fruit compact, d’une grenade… sous l’écore, on est émerveillé par ces grains translucides répartis dans des alvéoles qui ne laissent aucun espace entre eux… »

 » A tous moment, les mots peuvent devenir réalités. Il suffit de les aimanter, les rouler dans sa tête comme un noyau de pêche dans la  bouche, les frotter patiemment les uns contre les autres jusqu’à ce qu’une force magnétique se dégage et produise les faits. Pour moi, agir et penser ne font qu’un. Il n’y a pas de frontière entre les deux verbes. »

«  Pour apprivoiser les hommes, il suffit de les considérer l’un après l’autre. Se sachant observés de l’intérieur, étudiés comme le centre du monde, ils ne vous cachent rien. On peut tout leur demander. »

En effet, qui n’a rêvé une fois dans sa vie de posséder des pouvoirs extraordinaires, d’influencer les autres par la pensée et de triompher devant eux ? Un roman porte-bonheur plein de tendresse et d’humour qui agit secrètement sur le lecteur.

2 commentaires

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s