Humiliation à l’ère du méga-impérialisme de Mahdi Elmandjra

humiliation mandjra

La préoccupation majeure de ce recueil se résume en un seul mot: « humiliation ». Un bien ancien mal qui revient en force à travers le globe. L’humiliation émane d’une volonté consciente d’agresser la dignité des autres et non pas simplement d’une volonté de domination. C’est l’une des denrées des plus mondialisées, de nos jours, par ceux qui la génèrent et l’entretiennent. C’est aussi celle qui suscite de moins en moins d’indignation des gouvernants, des peuples humiliés eux-mêmes et de l’opinion publique internationale…

« Pour qu’il y ait une crédibilité dans les rapports des États avec leurs peuples, il est un critère essentiel. C’est la valeur qu’on donne à une vie humaine. Un ministre a été tué en Israël, on en a fait une tornade dans le monde certains responsables palestiniens ont qualifié cet acte de crime. Si l’on voit cette tempête qui a secoué l’Allemagne tout entière lorsque 17 touristes sont morts en Tunisie, et comment le ministre de l’intérieur a été limogé dans ce pays et les mesures immédiates prises concernant l’indemnisation des victimes évaluée en millions d’euros. C’est là que l’on mesure la crédibilité des pays à la valeur qu’ils accordent à la vie de leurs citoyens. En Islam et dans toutes les religions, la vie humaine est sacrée. Un Verset du Coran dit « Celui qui a tué sans droit une personne c’est comme s’il avait tué tous les gens ». Et il est dommage que ceux qui président aux destinées des peuples arabes ne donnent presque aucune importance à la vie. Si l’on revient au nombre de personnes qui ont été tuées par les régimes arabes dans leurs pays, on se demandera si le nombre de victimes peut être comparé à celui des martyrs tombés dans les conflits avec les adversaires. Après tous les marchés d’armes conclus, nous n’avons pas vu un avion ou un char utilisé contre un belligérant. »

« Le Maroc est tributaire du modèle de développement imposé par les instances financières et politiques internationales et qui est un système intégré. Une fois qu’on y adhère, la possibilité d’y apporter des changements est fort difficile. Ce qui arrive c’est que l’on change soi-même que l’on soit capitaliste, conservateur, libéral, progressiste ou socialiste. On a alors durant un petit moment l’illusion qu’on œuvre pour le changement. Mais le système demeure le plus fort et il faut dans ce cas-là soit s’adapter, être pragmatique, réaliste et accepter les compromis de toutes sortes, y compris la corruption s’il le faut. Jamais un sous-système n’a changé un système. »

« Le degré d’humiliation d’un pays ou d’une région est directement proportionnel à la compromission de ses dirigeants et au degré de léthargie et de soumission de sa population. En matière d’humiliation une bonne partie de la force de l’humiliateur se trouve dans l’impunité dont il jouit ainsi que dans le degré de résignation et de faiblesse de celui qu’il humilie. Nous vivons une sérieuse crise éthique qui augmente les méfaits des humiliations résultant de la pauvreté, de l’analphabétisme, de la maladie, du manque de justice sociale et des violations des droits de l’homme. Quand la combinaison de ces facteurs atteint un seuil critique, il y a des manifestations, des fusibles qui sautent, des explosions, des révoltes, des ras-le-bol qui mènent vers l’éclatement du système. Il s’agit alors d’une fracture de la dignité. »

« Par mes fonctions internationales pendant 20 ans, chargé de la culture à travers le monde, j’ai compris que la source principale des conflits se situait au niveau des systèmes de valeurs culturelles. Mon approche se résume ainsi: Si vous ne faîtes pas attention aux valeurs culturelles, vous allez vers un conflit. C’était pour anticiper, pour éviter les conflits, contrairement à Huntington qui considère que c’est dans les civilisations qu’il y a la gène de violence. Pour moi, les cultures sont les bases de la paix. Aucune culture, par définition, ne naît agressive ou pour combattre une autre. Et l’histoire nous a appris que quand une culture prend le pouvoir, elle essaie d’imposer son système de valeurs aux autres. C’est pourquoi il y a conflit. Mais si on respecte les règles élémentaires de la communication culturelle et de la diversité, je crois alors que les causes des conflits seront minimisées. »

« Aujourd’hui, on a à faire à une crise à trois dimensions. Il y a une crise du beau et de l’esthétique et ce n’est pas à un japonais à qui je vais expliquer ce que le beau signifie. La deuxième crise est une crise de rêve car le rêve a été transformé en cauchemar. La troisième dimension est d’ordre civilisationnel. Je ne saurais vous dire d’où viendront les solutions mais je suis optimiste. Gramsci disait qu’il faut avoir le pessimisme de la raison et l’optimisme de la volonté. »

« Tout ce qui vient du Ciel, ne peut être attribué à la météo ou à quelque chose comme cela. Et là encore je ne veux pas émettre des analyses relatives à l’avenir d’un pays et son système politique et les lier à la sécheresse ou à des inondations. Ceux qui ont recours à ce genre de considérations laissent entendre un manque de confiance, une courte vue dans la pensée et un esprit d’analyse défectueux, car l’analyse de la prestation d’un gouvernement se fait à partir des chiffres que nous avons sous les yeux, et des pourcentages relatifs à la pauvreté, à l’enseignement, à la corruption. Bref, à l’état du peuple tout entier. Dire qu’avec les pluies bénéfiques finis les problèmes, est un jeu réducteur que je refuse. »

« La sécheresse des cerveaux est plus grave que celle de la nature. Comment peut-on arriver à un tel stade de démagogie et faire l’éloge de la sécheresse est liée au climat mais aussi à un ensemble de valeurs surtout dans les zones arides. La sécheresse va à l’encontre des désirs des sociétés. Toute personne qui connaît l’âme rurale et sa relation avec la nature ne saurait avancer une pareille insanité. »

« Quelqu’un avait dit un jour: la seule vérité scientifique est que la vérité d’aujourd’hui ne sera plus celle de demain. En d’autres termes, on pourrait dire que l’évolution des structures mentales est ce qui manque dans les pays en voie de développement. Comment prétendre combattre la compétence étrangère quand on n’encourage pas la créativité et l’innovation nationales? Prenez l’exemple des poètes, des écrivains et des grands scientifiques, et vous constaterez qu’ils avaient tous une vision et remettaient en cause le sens commun. Il n’y a que les utopistes qui laissent des traces durables dans leurs domaines alors que celles des hommes d’état et des politiciens disparaissent avant qu’elles ne sèchent. Mais, le sous -développé ne se remet jamais en cause parce qu’il n’en voit pas l’utilité, d’autant plus que ceux qui le gouvernement ne le font pas. D’où une médiocrité qui nourrit l’incompétence et chasse les meilleurs hors de leurs pays. »

« Ces dirigeants méritent vraiment ces peuples? Pour l’histoire, la réponse est négative. Désormais le plus grand mal c’est l’humiliation: les dirigeants se prosternent et imposent à leurs peuples de s’incliner deux fois, l’une pour eux et l’autre pour le colonialisme et le sionisme.. »

12 commentaires

  1. Cela devient de plus en plus dur !
    J’ai été obligé f de faire des recherches pour trouver des explications !
    Elles se trouvent juste ici !

    Encore un tableau très très approprié à son article !

    (Je pense que ma moyenne va un peu chuter, vivement les vacances !)

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    • Petit à petit on devient moins petit^^ Le lien ne s’ouvre pas et j’ai l’extrême curiosité de savoir sur quoi porte la recherche…
      Profitez à fond de vos vacances, quoi de mieux pour se ressourcer! Pleins de bises à vous deux

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      • Les vacances ne sont pas encore planifiées mais nous tacherons d’en profiter le moment venu !

        Merci !

        Pour le lien, la réponse est dans ma réponse du 8/6 à 6:51

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      • Je viens de lire la description du tableau et je trouve qu’elle colle parfaitement avec ce qu’a vécu l’auteur…Lors d’une interview sur l’exode des intellectuels marocains à l’étranger, il a déclaré: « Avant, je disais à ceux qui me consultait au sujet de la fuite des cerveaux: « Rentrez! ». Aujourd’hui, je dis tout simplement « cherchez le lieu où vous pouvez vous épanouir ». Quand je rentre au Maroc, après un voyage à l’étranger en tant que chercheur, j’enlève la prise et je travaille avec une batterie, parce que la prise ne marche plus, et lorsque la batterie se vide, je pars me recharger. »

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