Le voyageur sans bagages de Jean Anouilh

(by Mahi Binebine)

Dans le « voyageur sans bagages », Anouilh, nous présente un homme qui a perdu sa mémoire du fait d’une blessure de la guerre et a été interné dans un asile. Dans laquelle Gaston l’amnésique retrouve et rejette son identité de Jacques Renaud, son ancien moi haïssable. L’auteur nous montre que notre identité ne repose sur aucun fondement stable et que nous sommes victimes de l’image que les autres se font de nous…

« Pour un homme sans mémoire, un passé tout entier, c’est trop lourd à endosser en une seule fois. Si vous voulez me faire plaisir, pas seulement me faire faire plaisir, me faire du bien, vous me permettriez de retourner à l’asile. Je plantais des salades, je cirais les parquets. Les jours passaient… Mais même au bout de dix-huit ans, ils n’étaient pas parvenus, en s’ajoutant les uns aux autres, à faire cette chose dévorante que vous appelez un passé. »

« Cela a fait peur aux gens sans doute qu’un homme puisse vivre sans passé. Déjà les enfants trouvés sont mal vus…Mais enfin on a eu le temps de leur inculquer quelques petite notions. Mais un homme, un homme fait, qui avait à peine de pays, pas de ville natale, pas de traditions, pas de nom…Foutre! Quel scandale! »

« J’étais si tranquille à l’asile…Je m’étais habitué à moi, je me connaissais bien et voilà qu’il faut me quitter, trouver un autre moi et l’endosser comme une vieille veste. Me reconnaitrai-je demain, moi qui ne bois que de l’eau, dans le fils du lampiste à qui il ne fallait pas moins de quatre litres de gros rouge par jour? ou, bien que je n’aie aucune patience, dans le fils de la mercière qui avait collectionné et classé  par familles douze cents sortes de boutons? »

« Ce ne sont pas seulement des rides. C’est une usure. Mais une sure qui au lieu de raviner, de durcir, aurait adouci, poli. C’est comme une tourmente de douceur et de bonté qui est passée sur votre visage. »

« Je suis sans doute le seule homme, c’est vrai, auquel le destin aura donné la possibilité d’accomplir le rêve de chacun…Je suis un homme et je peux être, si je veux, aussi neuf qu’un enfant! C’est un privilège dont il serait criminel de ne pas user. »

« N’importe où? C’est un mot d’amnésique. Nous autre, qui avons notre mémoire, nous savons qu’on est obligé de choisir une direction dans les gares et qu’on ne va jamais plus loin que le prix de son billet.C’est te dire si tu avais de l’argent le monde s’ouvriraient à toi! … »

« Écoute, Jacques, il faut pourtant que tu renonces à la merveilleuse simplicité de la vie d’amnésique. Écoute, Jacques, il faut pourtant que tu acceptes. Toute notre vie avec notre belle morale et notre chère liberté, cela consiste en fin de compte à nous accepter tels que nous sommes… Ces dix-huit ans d’asile pendant lesquels tu t’es conservé si pur, c’est la durée exacte d’une adolescence, ta seconde adolescence qui prend fin aujourd’hui. Tu vas redevenir un homme, avec tout ce que cela comporte de taches, de ratures et aussi de joie. Accepte-toi et accepte-moi, Jacques. »

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