Avec ce roman, Tahar Ben Jelloun donne une interprétation littéraire de l’horreur et de l’oubli où furent tenus les prisonniers du bagne de Tazmamart…
« Longtemps j’ai cherché la pierre noire qui purifie l’âme de la mort. Quand je dis longtemps, je pense à un puits sans fond, à un tunnel creusé avec mes doigts, avec mes dents, dans l’espoir têtu d’apercevoir ne serait-ce qu’une minute, une longue et éternelle minute, un rayon de lumière, une étincelle qui s’imprimerait au fond de mon œil, que mes entrailles garderaient, protégée comme un secret. Elle serait l’habiterait ma poitrine et nourrirait l’infini de mes nuits, là, dans cette tombe, au fond de terre humide, sentant l’homme vidé de son humanité à coups de pelle lui arrachant la peau, lui retirant le regard, la voix, la raison. »
« À quoi pense un homme quand le sang des autres coule sur sa figure? À une fleur, à l’âne sur la colline, à un enfant jouant au mousquetaire avec un bâton pour épée. Peut-être qu’il ne pense plus. Il essaie de quitter son corps, de ne pas être là, de croire qu’il dort et qu’il fait un très mauvais rêve. »
« Se souvenir, c’est mourir. J’ai mis du temps avant de comprendre que le souvenir était l’ennemi. Celui qui convoquait ses souvenirs mourait juste après. C’était comme s’il avalait du cyanure. Comment savoir qu’en ce lieu la nostalgie donnait la mort. Nous étions sous terre, éloignés définitivement de la vie et de nos souvenirs. Malgré les remparts tout autour, les murs ne devaient pas être assez épais, rien ne pouvait empêcher l’infiltration des effluves de la mémoire la tentation était grande de se laisser aller à une rêverie où le passé défilait en images souvent embellies,tantôt floues, tantôt précises. Elles arrivaient en ordre dispersé, agitant le spectre du retour à la vie, trempées dans des parfums de fête, ou, pire encore, dans des odeurs du bonheur simple: ah! l’odeur du café et celle du pain grillé le matin; ah! la douceur des draps chauds et la chevelure d’une femme qui se rhabille…Ah! les cris des enfants dans une cour de recréation, le ballet des moineaux dans un ciel limpide, une fin d’après-midi! Ah! Que les choses simples de la vie sont belles et terribles quand elles ne sont plus là, rendues impossibles à jamais! »
Tahar Ben Jelloun, Cette aveuglante absence de lumière| Seuil | 1992 | ISBN 2020530554 | 249 Pages |
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Bonjour! Tu es la bienvenue dans le challenge du « Tour du monde ». Cependant, je demande à tous les participants de rédiger un billet qui présente le challenge sur leur blog.
Préviens-moi quand tu l’auras fait que je puisse t’ajouter à la liste des participants ;)
A bientôt
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Ouh, c’est dur, mais heureusement que des écrivains témoignent de l’horreur. Le dernier paragraphe que tu cites est particulièrement terrible.
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Une expérience invivable!!! en pareille circonstance apparaît les dernières les dernières limites de l’humain
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Ben Jelloun a une plume magnifique.
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Une plume qui a développé l’esthétique du beau au sein du récit de l’horreur
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