La mission de tout un chacun est de mener à bien le mensonge qu’il incarne, de parvenir à n’être plus qu’une illusion épuisée. Cioran
Dans sa trilogie, Agota Kristof raconte l’histoire de deux jumeaux, Lucas et Claus, qui reportent sur un grand cahier leurs actions et leurs impressions sur ce qui les entoure. Le troisième mensonge nous raconte une période terrible de l’Histoire et nous présente une métaphore de la solitude de l’homme et de toutes les armes subtiles et dangereuses qu’il développe pour subsister envers et contre tout.
« — Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si vous écrivez des choses vraies ou des choses inventées.
Je lui réponds que j’essaie d’écrire des histoires vraies mais, à un moment donné, l’histoire devient insupportable par sa vérité même, alors je suis obligé de la changer. Je lui dis que j’essaie de raconter mon histoire, mais que je ne le peux pas, je n’en ai pas le courage, elle me fait trop mal. Alors j’embellis tout et je décris les choses non comme elles se sont passées, mais comme j’aurais voulu qu’elles se soient passées.
Elle dit :— Oui. Il y a des vies qui sont plus tristes que le plus triste des livres.
Je dis :— C’est cela. Un livre, si triste soit-il, ne peut être aussi triste qu’une vie. »
« —On m’appelle Claus T. Est-ce mon nom ? Dès l’enfance, j’ai appris à mentir. Dans ce centre de rééducation où je me remettais lentement d’une étrange maladie, on me mentait et je mentais déjà. J’ai menti encore quand j’ai franchi la frontière de mon pays natal. Puis j’ai menti dans mes livres. Bien des années plus tard, je franchis la frontière dans l’autre sens. Je veux retrouver mon frère, un frère qui n’existe peut-être pas. Mentirai-je une dernière fois ?
—Je m’appelle Klaus T. Mais personne ne me connaît sous ce nom-là. Depuis que mon frère jumeau a disparu, il y a cinquante ans de cela, ma vie n’a plus beaucoup de sens. J’ai longtemps attendu son retour. S’il revenait aujourd’hui, je serais pourtant obligé de lui mentir. »
[…] que la déception, source d’une première amertume. Dans les familles nombreuses, les frères sont tous des rivaux. Quant aux parents, leur souci constant est la lutte pour le couscous […]
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