« Elle n’est pas normale, cette gamine ! » Combien de fois Anne Zamberlan n’a-t-elle pas surpris cette remarque ? Institutrices, médecins, voisins, grands et petits, familiers ou étrangers, tous l’on exclue. Elle n’a jamais été une petite fille, une jeune fille. Toujours elle a été « la grosse ». Situation insupportable de l’obèse, bouc émissaire, souffre douleur, dans la rue, au travail…Un mal, des mots…C’est la voix anonyme de S.O.S. Amitié qui lui rend le goût de vivre. Le désert affectif de son adolescence, le silence de son mari, les railleries alors même qu’elle va mettre au monde son enfant, les années où elle s’enferme chez elle…Anne déballe tout. Et la revanche vient, éclatante, avec un rôle à sa taille : celui d’Olympe, symbole générique de la musique. Désormais son corps s’affiche, opulent, triomphant, sur les murs de la ville…
« Celui-là m’a traitée de « tour de Babel ». Il avait un vieux rire gras et sinistre en le disant. Je ne revois plus son visage. Aujourd’hui, il est peut-être mort ou très célèbre. Mais ce rire, je l’entends toujours dans le fond de ma mémoire. Et il se plante en moi, comme un clou, chaque fois qu’il m’arrive d’y repenser. Un rire qui s’arrête net pour faire place à une voix cassante, définitive. Un couperet de l’âme. Une voix qui jauge la graisse de mes huit ans. Des mains qui palpent à leur tour, indiscrètes, impudiques. Sans chaleur. Des instruments de chair pétrissant la chair. La mienne. Et des mots : surcharge pondérale…balance ! obèse… Des mots qui aillent me poursuivre pour toujours. Des grilles soigneusement dressées pour

« Un type qui est porté sur les obèses, suspect…ça cache comme qui dirait de la perversion. Eh bien non ! Ça ne cachait rien. Yvon m’aimait. Il m’aimait vraiment. Pour moi. Rien que pour moi. Il m’aurait fait une place dans sa vie que je sois mince ou ronde, que je sois divinement belle ou diaboliquement laide. Yvon m’a appris une chose fondamentale que j’ignorais. L’amour, c’est un regard, une sorte de laser du cœur, qui transperce les apparences, le décor, le mensonge extérieur, pour capter au-delà la vérité de l’être. »
« — T’as vu un peu l’engin qui nous arrive !
A ma sortie de l’ascenseur, en arrivant dans le service de maternité, la réflexion de l’aide-soignante m’a cinglée de plein fouet. Pire que la pire des injures. Une brûlure atroce, inattendue, sur une chair vive, déjà blessée, sans défense aucune. Un coup d’épée. Une lame chauffée au rouge en travers du ventre et du cœur. C’est avec cette insulte que l’hôpital accueillait une femme à quelques heures de devenir mère. Pétrifiée, j’ai éclaté en lares. Je m’attendais à tout. Aux souffrances sans lesquelles aucun enfant ne vient au monde. Aux difficultés supplémentaires que l’accouchement risquait de comporter pour une femme comme moi. Me hantait aussi la peur de ne pas enfanter un bébé normal. Et cette appréhension confuse qui tient tout le corps aux aguets quand il va devoir affronter une situation complètement inconnue. Cette raillerie terrible et gratuite, non ! Qu’est ce que je m’imaginais ? Que mon nouveau statut de femme enceinte réduisait à jamais à néant les vieux démons ? Gros tas. Grosse vache. Obèse….Je croyais naïvement que cette vie innocente en moi me servait désormais de passeport dans le monde des gens normaux. Grossière erreur. J’étais et je resterais une grosse. Une trop grosse. Une abominable difforme. Mère ou pas. A chaque coin de ma vie, la société poste la personne ou la situation adéquate pour me rappeler. Un « engin », un clown hypertrophié ou une sale exclue. J’ai souvent pleuré. Avant ce jour. Apres. Jamais comme ça. Sur ce palier, bras ballants, désarmée, terrassée, écrasée, avec mon bébé au ventre, un océan d’amertume m’a soudainement inondée. Dans mes yeux, j’ai d’abord senti comme une sorte de feu halluciné. C’est venu de loin. De très loin. »

Cachée derrière une larme,
comme un somnambule éveillé
j’ai vécu sans exister,
marcher sans avancer,
ressenti sans expliquer.
Passagère clandestine à bord
du décor de mon corps,
dans l’océan de mes rondeurs
je me suis perdue, perdue
en moi-même, enlisée
dans mes propres sables
pareille à l’araignée du soir
prisonnière de sa toile.
Ombre parmi les ombres,
désespérée de ne plus espérer,
toute chargée de pudeur,
chavirée de complexes,
j’ai du coin de mes ténèbres
surpris, tel un petit génie
enfermé dans sa bouteille,
l’espoir, échoué sous la plate-
forme de mes formes.
Un livre vraiment prenant et une femme vraiment intelligente.
dommage qu’elle nous ait quitté si jeune
bises
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Onze ans. Déjà onze ans qu’elle nous a quittés!comme le temps passe vite. Une histoire parfaite pour être adaptée au cinéma
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Au Maroc c’est une autre histoire avec l’obésité car elle est très recherché comme etant le must de la beauté chez la femme !
Intéressent livre
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Il parait qu’au Sud, le montant de la dot est proportionnel au poids de la mariée!
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Merci pour la video :)
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l’amour comme l’épée, l’humour comme bouclier:))
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Plus comme avant quand même, la mojorité des femmes commencent à déprimer aussi à cause de leur états lipidique si je puis dire.
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Le culte des rondeurs est encore vivace au Maroc. Nombreuses sont les marocaines désesperées par leur minceur s’empiffrent de compléments alimentaires et de fenugrec moulu… lhassoul qu’elle soit « sfoud l3wachar » ou « bayn 3liha khir baha », l’important c’est de respecter la différence d’autrui:)
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Bouleversant… Je ne sais pas si c’est elle qui a vraiment écrit mais en tout cas le texte est beau et l’on ressent la douleur de la personne « différente ». Bravo pour avoir choisi Botero en illustration : tu ne pouvais faire à Anne plus bel hommage que cette comparaison !
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respect a cette femme que j ai connu grace a son fils qui ete un ami d enfance et jpeu simplement dire bravo a cette femme
respect a toi eddy fait vivre la mémoire de ta mere ….
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