
Arrêtez tout, les amis : le Boualem s’est intéressé à l’histoire du Maroc. Un Maroc qui regorge d’absurdité en tout genre et qui a décidé un beau matin d’essayer de comprendre comment on en était arrivé là. Il a passé des années à geindre sur les nombreuses incohérences qui peuplent notre quotidien, à critiquer tout ce qui lui était proposé comme administration et structures dans sa fameuse chronique hebdomadaire de TELQUEL. C’était un travail colossal qui l’absorbait jour et nuit. Mais il lui manquait l’essentiel : savoir ce qui s’était passé avant. Un peu comme un bonhomme qui habite dans une maison qu’il critique tous les jours parce qu’elle est étrangement conçue. La cuisine est au troisième étage, le salon triangulaire, le jardin est en forme de couloir et les fenêtres ne se ferment pas. Les portes sont en or mais il n’y a pas de literie. Imaginez un peu que ce bonhomme s’intéresse à l’histoire de cette maison, et qu’il découvre qu’il y a une explication logique à ces incongruités architecturales. Les problèmes de voisinage, le climat, les guerres, la géographie du terrain, tout ceci fait qu’il semble moins idiot d’avoir pensé à mettre la cuisine au troisième étage, en tout cas au moment où cette étrange décision a été prise. Ce bonhomme, fort de ces découvertes, se sent mieux : il est toujours aussi mal logé mais il est détendu. Voilà ce qui est arrivé à Boualem : il s’est contenté d’écouter les historiens parler, il a lu quelques bouquins, parcouru la toile et il a découvert que notre Maroc a vécu des faits historiques foudroyant. Notre histoire est passionnante. Elle propose en quantité abondante et de bonne qualité des parcours phénoménaux, des épopées éclatantes, des trahisons spectaculaires, des mensonges et des exploits, des chocs culturels et physiques, le menu est riche.
Notre passé est un grand trou noir : « Zakaria Boualem sait reconnaitre un samouraï, un légionnaire romain ou un viking, mais il n’a pas la moindre idée de ce que pouvait porter un soldat almohade, par exemple. A quoi pouvait bien ressembler l’arrivée de l’islam, ou les batailles contre les Portugais, c’est un épais mystère. Dans d’autres contrées, on propose des cours aux élèves, mais aussi des films, des bandes dessinées, des tableaux ou des fresques. Chez nous c’est un grand vide, il y a quelque chose de vexant dans l’idée qu’on puisse plus facilement identifier un pirate des Caraïbes que son collègue de Salé. »
Le clash de haut niveau d’Apulée après le sérieux procès l’accusant d’utiliser du dentifrice, de parler trop de langues et d’être d’origine louche : « C’est une accusation très acceptable pour un philosophe, que celle d’entendre dire qu’il ne souffre en soi aucune saleté, qu’il veut qu’aucune partie apparente de sa personne ne soit immonde et fétide : la bouche surtout, cet organe dont à chaque instant l’homme se sert, aux regards et à la vue de tous, soit pour donner un baiser, soit pour faire un discours, soit pour disserter devant un auditoire…Je voudrais bien que mon censeur me dit s’il est lui-même dans l’habitude de se laver les pieds. Oui sans doute va-t-il me répondre ; or, prétendra-t-il que la propreté des pieds soit plus impérieuse que celle des dents ? il est portant une chose bien vraie : si comme toi un homme n’ouvre jamais la bouche que pour vomir la médisance et la calomnie, je suis d’avis qu’un tel homme ne doit apporter aucun soin à la propreté de cette bouche : il sera cent fois plus rationnel qu’il les noircisse avec un charbon de bûcher, et que jamais il ne les rince, même avec de l’eau commune. Oui, que toujours cette langue, coupable interprète de mensonges et d’amertumes, croupisse dans ses malpropretés et ses souillures. Au contraire, quand un homme sait qu’il va émettre une parole destiné à être utile ou agréable, n’a-t-il pas bien raison de se laver auparavant la bouche, comme on lave un vase avant d’y verser quelque bonne liqueur »