LES DROITS IMPRESCRIPTIBLES DU LECTEUR
1- Le droit de ne pas lire.
2- Le droit de sauter des pages.
3- Le droit de ne pas finir un livre.
4- Le droit de relire.
5- Le droit de lire n’importe quoi.
6- Le droit au bovarysme.
7- Le droit de lire n’importe où.
8- Le droit de grappiller.
9- Le droit de lire à voix haute.
10- Le droit de nous taire.
Sur le bonheur de lire>> « Le bonheur de lire ? Qu’est-ce que c’est que ça, le bonheur de lire ? Questions qui supposent un fameux retour sur soi, en effet ! Et pour commencer, l’aveu de cette vérité qui va radicalement à l’encontre du dogme : la plupart des lectures qui nous ont façonnés, nous ne les avons pas faites pour, mais contre. Nous avons lu (et nous lisons) comme on se retranche, comme on refuse, ou comme on s’oppose. Si cela nous donne des allures de fuyards, si la réalité désespère de nous atteindre derrière le «charme » de notre lecture, nous sommes des fuyards occupés à nous construire, des évadés en train de naître. Chaque lecture est un acte de résistance. De résistance à quoi ? A toutes les contingences. Toutes : Sociales/Professionnelles/Psychologiques/Affectives/Climatiques/Familiales/Domestiques/Grégaires/Pathologiques/Pécuniaires/Idéologiques /Culturelles/Ou nombrilaires. Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même. Et, par-dessus tout, nous lisons contre la mort. C’est Kafka lisant contre les projets mercantiles du père, c’est Flannery O’Connor lisant Dostoïevski contre l’ironie de la mère («L’Idiot ? Ça te ressemble de commander un livre avec un nom pareil !»), c’est Thibaudet lisant Montaigne dans les tranchées de Verdun, c’est Henri Mondor plongé dans son Mallarmé sous la France de l’Occupation et du marché noir, c’est le journaliste Kauffmann relisant indéfiniment le même tome de Guerre et Paix dans les geôles de Beyrouth, c’est ce malade, opéré sans anesthésie, dont Valéry nous dit qu’il «trouva quelque adoucissement ou plutôt, quelque relais de ses forces, et de sa patience, à se réciter, entre deux extrêmes de douleur, un poème qu’il aimait ». Et c’est, bien sûr, l’aveu de Montesquieu dont le détournement pédagogique donna à noircir tant de dissertations : «L’étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts, n’ayant jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture ne m’ait ôté. » Mais c’est, plus quotidiennement, le refuge du livre contre le crépitement de la pluie, le silencieux éblouissement des pages contre la cadence du métro, le roman planqué dans le tiroir de la secrétaire, la petite lecture du prof quand planchent ses élèves, et l’élève de fond de classe lisant en douce, en attendant de rendre copie blanche… »
Sur le parfum de Süskind>> « Cher Monsieur Süskind, merci ! Vos pages exhalent un fumet qui dilate les narines et les rates. Jamais votre Parfum n’eut lecteurs plus enthousiastes que ces trente-cinq-là, si peu disposés à vous lire. Passé les dix premières minutes, je vous prie de croire que la jeune Veuve sicilienne vous trouvait tout à fait de son âge. C’était même touchant, toutes ses petites grimaces pour ne pas laisser son rire étouffer votre prose. Burlington ouvrait des yeux comme des oreilles, et «chut ! bon dieu, la ferme !» dès qu’un de ses copains laissait aller son hilarité. Aux alentours de la page trente-deux, en ces lignes où vous comparez votre Jean-Baptiste Grenouille, alors en pension chez Madame Gaillard, à une tique en embuscade perpétuelle (vous savez ? «la tique solitaire, concentrée et cachée dans son arbre, aveugle, sourde et muette, tout occupée à flairer sur des lieues à la ronde le sang des animaux qui passent… »), eh bien ! vers ces pages-là, où l’on descend pour la première fois dans les moites profondeurs de Jean-Baptiste Grenouille, Banane et Santiags s’est endormi, la tête entre ses bras repliés. Un franc sommeil au souffle régulier. Non, non, ne le réveillez pas, rien de meilleur qu’un bon somme après berceuse, c’est même le tout premier des plaisirs dans l’ordre de la lecture. Il est redevenu tout petit, Banane et Santiags, tout confiant… et il n’est guère plus grand quand, l’heure sonnant, il s’écrie : — Merde, je me suis endormi ! Qu’est-ce qui s’est passé chez la mère Gaillard ? »
Sur le temps de lire>> « Où trouver le temps de lire ? Grave problème. Qui n’en est pas un. Dès que se pose la question du temps de lire, c’est que l’envie n’y est pas. Car, à y regarder de près, personne n’a jamais le temps de lire. Ni les petits, ni les ados, ni les grands. La vie est une entrave perpétuelle à la lecture.
— Lire ? Je voudrais bien, mais le boulot, les enfants, la maison, je n’ai plus le temps…
— Comme je vous envie d’avoir le temps de lire !
Et pourquoi celle-ci, qui travaille, fait des courses, élève des enfants, conduit sa voiture, aime trois hommes, fréquente le dentiste, déménage la semaine prochaine, trouve-t-elle le temps de lire, et ce chaste rentier célibataire non ? Le temps de lire est toujours du temps volé. (Tout comme le temps d’écrire, d’ailleurs, ou le temps d’aimer.) Volé à quoi ? Disons, au devoir de vivre. C’est sans doute la raison pour laquelle le métro – symbole rassis dudit devoir – se trouve être la plus grande bibliothèque du inonde. Le temps de lire, comme le temps d’aimer, dilate le temps de vivre. Si on devait envisager l’amour du point de vue de notre emploi du temps, qui s’y risquerait ? Qui a le temps d’être amoureux ? A-t-on jamais vu, pourtant, un amoureux ne pas prendre le temps d’aimer ? Je n’ai jamais eu le temps de lire, mais rien, jamais, n’a pu m’empêcher de finir un roman que j’aimais. La lecture ne relève pas de l’organisation du temps social, elle est, comme l’amour, une manière d’être. La question n’est pas de savoir si j’ai le temps de lire ou pas (temps que personne, d’ailleurs, ne me donnera), mais si je m’offre ou non le bonheur d’être lecteur. »
Comme Un Roman [9782070388905] – 80,00Dhs : LivreMoi.ma, Votre Librairie au Maroc.
Excellent!!!
Je vous invite à venir jeter un oeil sur ce que j’écris… et à y rendre un peu de plaisir, j’espère…
prosperecock.wordpress.com
bonne année!
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C’est ma première découverte de l’année 2011;) Merci Thomas, meilleurs voeux du Maroc!!!
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[…] Je ne connaît pas d’autre exemple, dans l’histoire de la littérature, d’un livre qui ait acquis une telle notoriété, qui soit devenu une petite bible pour d’innombrables […]
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[…] êtes en train de déguster un poisson grillé sur la plage, au bord du lagon, en compagnie d’un fascinant polar d’Ed McBain, quand un colosse noir, à une table à quelques mètres de vous, attire votre […]
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[…] n’avait pas le sou. Le mot suprême, c’était ‘âlem, le savant. Quand un enfant ou un adulte lisait, chez nous, on ne l’interrompait pas, on le regardait avec respect et fierté. Finalement, les […]
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